Il n’y a pas si longtemps, Microsoft avait tout de l’éditeur aux antipodes du logiciel libre. Steve Ballmer allait jusqu’à qualifier Linux « de cancer », et Bill Gates n’avait pas de meilleure opinion de la philosophie Open Source en général. Mais depuis, le monde a changé. Satya Nadella, le CEO de Microsoft, a ouvertement déclaré son amour pour Linux, l’éditeur a fait passer son framework .NET en Open Source pour les développeurs, et Linux est aujourd’hui bienvenu dans son service cloud Azure. De même, l’éditeur offre de plus en plus de produits libres aux utilisateurs de plates-formes concurrentes. À se demander si Windows pourrait passer sous licence libre un jour prochain ! Mark Russinovich, un ingénieur émérite de Microsoft pense apparemment qu’un tel événement pourrait se produire. « C’est certainement du domaine du possible », aurait déclaré l’ingénieur à son auditoire lors de la conférence ChefCon qui s’est tenue à Santa Clara la semaine dernière (31 mars - 3 avril). Justifiant : « C’est le « nouveau » Microsoft ».

Mais l’éditeur lui-même n’a encore rien cédé. « Microsoft n'a établi aucune politique, ni aucun business modèle en matière d’Open Source et ne prévoit aucun changement pour Windows », a déclaré un représentant de l’entreprise par courriel vendredi. Cependant, le simple fait qu’une telle éventualité soit sérieusement évoquée dans un forum public montre à quel point le monde du logiciel a changé. « L'Open Source n’est plus une menace comme c’était le cas pour ma génération de dirigeants. Au cours des 15 dernières années, pour la nouvelle génération, le logiciel libre est clairement devenu une ressource », a déclaré Rob Enderle, analyste principal, Enderle Group. « Et, alors que l’ancienne génération laisse progressivement sa place, les dirigeants actuels partagent de plus en plus ce point de vue plus positif », a-t-il ajouté. Un autre élément qui pousse dans ce sens, c’est la nécessité pour Microsoft de faire de Windows un concurrent d’Android, un terrain où « l’Open Source est incontournable », a encore déclaré l’analyste. « Tous ces facteurs réunis, plus un changement de leadership chez Microsoft et un paysage concurrentiel en rupture, obligent clairement à reconsidérer la façon de livrer, soutenir, et faire payer Windows », a-t-il ajouté. « Et ce n’est qu'une des importantes évolutions du produit auxquelles nous allons probablement assister ».

L'Open Source n'est pas synonyme de succès

« Bien sûr, le fait de livrer un morceau de code en Open Source ne suffit pas pour rendre un produit plus compétitif », fait remarquer Al Gillen, Vice-Président, Program, Servers et System Software, d’IDC. « Pour qu’un transfert de code propriétaire à la communauté Open Source soit payant, le seul fait de passer le code dans le secteur public ne suffit pas », a-t-il ajouté. « Il faut avoir la capacité de rallier une communauté autour du produit, d’inciter les développeurs à contribuer à l’effort de développement afin de faire évoluer la technologie ». Les entreprises doivent également suivre, et offrir un support commercial pour les portions du code Open Source. Or, « aujourd’hui, une offre de support différencié n’est pas suffisante pour gagner sur la concurrence », a-t-il encore déclaré.

Microsoft livre déjà Windows gratuitement pour les petits terminaux (écran de moins de 8 pouces), de sorte que, très probablement, si Windows devait basculer dans l’Open Source, la libéralisation commencerait par ce type de dispositifs - téléphones et petites tablettes - des secteurs où Microsoft est déjà confronté à des défis de monétisation », a ajouté Al Gillen. « Mais, même à l'extrémité supérieure, alors que Microsoft est en train de déplacer ses clients vers un modèle de services sous Azure, il devient moins important pour l’éditeur de monétiser directement le logiciel Windows », fait encore remarquer le vice-président d’IDC. « De plus en plus, les revenus de Microsoft proviennent des services cloud et moins des licences logicielles, avec notamment la vente de nombreux services connexes comme Office 365, OneDrive, Bing, etc. », a-t-il ajouté. « Donc, on peut logiquement se dire que Microsoft pourrait très bien passer Windows en Open Source dans… 10 ans peut-être. Oui, ça paraît possible ».